"Tout doit presque disparaître",
2020
Performance photographiée, Aït Ourir, Maroc
Le désert. Magnifique étendue de sable dans laquelle se reflète la lumière, vibrent les reflets de la lune et les rayons du soleil. Et puis il y a ces objets qui brillent aussi, à leur manière, entre deux cailloux, enfouis dans l’immensité des dunes. Ces objets souvent abandonnés, dénués de toute utilité, rythment le sol, s’y perdent. Ils sont les témoins invisibles des traces que nous laissons, ici et là, derrière nous.
Pendant un mois, j’ai collecté ces choses, ces « presque rien », dans les environs du désert d’Agafay. Je les ai manipulés, assemblés pour leur donner une nouvelle vie, un nouveau souffle. En parallèle, je me suis baladée dans les différents marchés de la médina et j’ai sélectionné sur les étalages des éléments sur lesquels le temps avait laissé son empreinte. Rouillés, salis, abimés, avaient-ils encore un réel usage ? Quel était leur rôle ?
Ils étaient beaux. Beaux car encore vivants. Une craquelure, une tâche, un éclat. Ils racontaient une histoire.
La question autour de la valeur des choses m’habita alors. N’est-ce pas la manière dont nous regardons quelque chose qui lui donne toute sa préciosité ?
Telle une alchimiste urbaine, j’ai tenté de mêler ces éléments entre eux. Aussi insignifiants pouvaient-ils être, je les ai combinés à du verre, à de la terre, transformés en métal.
Dans un second temps, je suis allée à Aït Ourir, à l’ouverture du souk. J’y ai installé un stand et plusieurs personnes ont acheté mes « presque rien ». En échange des dirhams que j’ai emprisonnés dans une tirelire, j'ai donné à ces personnes un certificat d’authenticité. Les objets ont été vendus moins chers que ce qu’ils ont pu parfois me coûter, déstabilisant ainsi le principe même du commerce.
«Tout doit presque disparaître » est une installation qui tente de créer un parallèle entre le marché à son état d’origine et le marché de l’art.
Les visiteurs de l’exposition, qui a eu lieu dans le cadre de la foire 1:54 de Marrakech, ont été invités à se balader dans l’installation, à consulter les photos de la performance, à manipuler les éléments.
Cette installation a eu pour objectif d’évoluer tout au long de l’exposition et à disparaître à mesure de l’achat des pièces.
«Tout doit presque disparaître » est une métaphore de l’empreinte que nous laissons et interroge le pouvoir de l’art dans sa manière de modifier notre regard.